Réussir une Interview Vidéo – La Forme

Rater une interview est l’exercice le plus simple du monde à réaliser : mauvaise lumière, problème technique image ou son, cadre non adapté, il existe une multitude de paramètres qui peuvent mener à l’échec.

Dans l’univers corporate, l’interview est bien souvent la base de tous les types de vidéos. Alors comment mettre toutes les chances de son coté pour la réussir ? Dans cette article, je vais décrypter point par point tous les aspects techniques d’une interview que nous avons réalisé pour le mois dernier.

Pour cette interview, nous avions rendez-vous avec la journaliste dans les locaux de la société Smart4Engineering situés au 4ème étage d’un immeuble haussmannien du centre de Paris. Une salle de réunion plutôt grande nous avait été allouée.

La table de réunion.

Premier problème, en arrivant dans la salle qui nous est alloué pour la journée, nous découvrons qu’une immense table de réunion inamovible trône en plein centre de la pièce (on nous avait annoncé qu’elle pouvait se déplacer). Ce qui va fortement limiter nos choix de positions pour installer l’interviewé et la caméra.
Nous regardons néanmoins si d’autres pièces pourraient convenir, sait-on jamais : hélas, trop petites, occupées la journée, ou dans un passage. Pas le choix, nous garderons cette dernière.

⚠️ Il est donc primordial (si possible) de repérer les lieux à l’avance, ou de se faire envoyer des photos ou vidéos, sous peine de perdre du temps à l’installation.

Nous arrivons sur les lieux à 7h du matin, pour une première interview en PAT (prête à tourner) à 7h45. Le premier interviewé ayant un train à prendre dans la matinée.

45mn pour installer un set d’interview quand on est seul est vraiment le minimum pour arriver à choisir un cadre (ici, nous tournons en 4K afin de pouvoir faire 2 cadrages dans la même image – j’y reviendrai), installer le set lumière, régler la caméra et le son, le tout sans omettre quoi que ce soit.

⚠️ Prévoyez du temps d’installation pour vos interviews, 1h à 1h15 pour une interview face caméra est un bon timing.

L’espace étant réduit, comme je l’ai expliqué précédemment, il s’agit maintenant de trouver un cadre ou axe pour mettre l’interviewé et la caméra.

Qui dit peu d’espace, dit peu de choix.

Choix numéro 1 : Dos à un mur, avec un tableau en fond.

Le premier choix, celui qui parait le plus simple est souvent de mettre la personne interviewé dos à un mur, la caméra face à lui dans l’axe et agrémenter tout cela d’une plante verte ou d’un tableau.

Hélas, ce n’est pas le choix idéal :

• La personne interviewé ne sera pas mise en valeur et va apparaitre un peu « posée là ».
• La scène va être compliqué à éclairer (si le recul avec le mur arrière n’est pas assez grand, nous aurons des ombres portées de l’interviewé sur le mur, ce qui est rarement élégant).
• Il n’y aura aucune ligne de force dans le cadre, ni de perspective qui permettront de centrer le regard du spectateur.
• Si le mur arrière est trop proche, il faudra posséder des optiques à grande ouverture afin de rendre le fond un peu flou et et détacher le sujet du fond
• Si l’on souhaite recadrer l’image en post-production pour extraire un plan taille et un plan serré de l’interview (en 4K), un des 2 plans (le plan serré généralement) va se retrouver sur fond de mur uniquement et ne raccordera pas très bien

⚠️ On évite (si possible) les interviews collées à un mur et on essaye de créer de la perspective dans l’image (Cf Choix numéro 2)

Choix numéro 2 : Créer une perspective

Afin de rendre le cadre de l’interview plus dynamique, l’idéal est de créer de la perspective. C’est ce que nous avons fait en plaçant la personne interviewée non pas dos au mur, mais dans le prolongement de celui qui possédait une cheminée.
Nous avons habillé cette dernière en posant des objets dessus afin d’ajouter de la couleur.

Cela permet ainsi de créer 3 plans distincts :

• Premier plan : l’interviewé
• Second plan : la cheminé avec les objets dessus
• Arrière plan : la fenêtre, le fond du mur avec le tableau

La perspective va aussi permettre de créer des lignes de force dans l’image qui vont amener le spectateur à diriger son regard vers la personne qui parle et ainsi maintenir  l’attention sur le propos.

On l’oublie bien souvent, mais le rôle de la caméra, c’est avant tout de capter de la lumière. En effet, le capteur de cette dernière n’enregistre que des niveaux de lumière, plus ou moins élevés, sur des photosites et ensuite, avec des opérations complexes, elle en extrait des informations de couleur et de luminosité afin de recréer une image.

La lumière est donc un élément indispensable de toute image réussie.
En général, sur une interview, on réalise ce qu’on appelle un éclairage 3 points :

• Une lumière de face (dite face ou Key Light) qui éclaire le sujet par l’avant. On peut décaler cette lumière légèrement sur le coté pour augmenter plus ou moins les contrastes sur le visage (avoir un coté plus éclairé que l’autre). C’est la source principale de lumière.
• Une lumière de renforcement (dite Fill Light) et qui se place dans l’axe opposé à la key light. Moins puissante, elle permet de gommer un trop grand contraste sur le visage.
• Une lumière de contre (ou contre jour ou Back Light) qui se place souvent à l’arrière et en hauteur et qui permet de créer des contours à la personne interviewé.

Dans notre cas, nous avons utilisé une Key Light (situé à droite de la caméra) et à l’opposé de la source lumineuse provenant de la pièce, pour éclairer la partie du visage qui était la moins éclairée naturellement. Nous avons ajouté une boite à lumière (soft dome) ainsi qu’un grid afin de diriger la lumière et créer à la fois du contraste sur le visage et sur le mur à droite de l’image.

Nous n’avons pas utilisé de Fill Light, la lumière provenant de la fenêtre et étant suffisante.

Nous avons utilisé un Contre en hauteur au dessus de la tête et légèrement en arrière afin de renforcer l’effet de contour sur le sujet.

Enfin, pour éclairer l’arrière plan, nous avons utilisé un spot en faisant attention qu’il ne fasse pas de lumière parasite sur le sujet.

Les projecteurs utilisés sont les suivants :

• Key Light : Aputure 300DII (50%) + Aputure Light Dome II
• Contre : Colospike
• Ambiance : Aputure 120DII

En ce qui concerne les températures de couleurs, ayant déjà une partie de la pièce éclairée par la fenêtre et donc la lumière du jour (il faisait beau, soit 5400°K environ), nous avons travaillé avec les températures de base des projecteurs soit 5500°K

Travailler en température dite Daylight (lumière du jour) nous permet de ne pas utiliser de filtre sur ces projecteurs à LED et d’utiliser la caméra proche de son réglage optimal de température (donc moins de bruit sur la canal bleu – Cf article de Jérome : https://gafpaforum.com/d/105-weekly-camera-facts-jerome).

Pour résumer :

⚠️ La lumière avec la composition est le point le plus important d’une image réussie. Utilisez des projecteurs de bonne qualité pour une lumière sans défaut de couleur. Minimum 3 sources de lumière pour une interview (3 projecteurs / Jour + 2 projecteurs).
Pensez aussi à adoucir la lumière qui éclaire le visage avec une softbox ou bien de la diffusion (papier spécial à mettre devant le projecteur).

Dernier élément indispensable pour réussir une belle image : la caméra.

Aujourd’hui, il existe une multitude de caméras différentes : du DSLR (appareil photo avec possibilité de faire de la vidéo) à la caméra de poing, en passant par la caméra axée cinéma.

Dans tous les cas, il est indispensable de bien régler ses paramètres afin d’avoir la meilleure image possible.

Taille d’image

Pour une interview en mono caméra, et afin de pouvoir ensuite réaliser des crops (ou zooms) dans l’image lors du montage, sans perdre en qualité (et si votre format final est en 1920×1080), alors l’idéal est de tourner en 4K (3080×2160). Vous pouvez aussi tourner en 8K si votre caméra le permet, mais les fichiers vont prendre beaucoup de place pour pas grand chose.

Format de fichier

Chaque caméra utilise ses propres codecs pour enregistrer les fichiers sur les cartes ou les disques dur. Les formats les plus courants sont : H264, H265, MXF, ProRes et RAW (ou déclinaison de RAW comme le bRAW chez Blackmagic Design).

• Si vous tournez en H264 et H265, utilisez toujours le débit le plus élevés (qui correspondra à la meilleure qualité possible).
• En MXF, il faut aussi essayer de trouver le réglage qui permet la meilleure qualité
• En ProRes, pour une interview classique (c’est à dire sans incrustation sur fond vert), le ProRes 422 est suffisant.
• En RAW, a vous de trouver suivant votre caméra le réglage le plus adapté entre compression et taille des fichiers qui vous conviendra le mieux.

Focale et taille de capteur

La focale à utiliser va dépendre du recul que vous pourrez avoir avec votre caméra vis à vis du sujet et de la taille de votre capteur.

Habituellement, une focale de 50mm sur un capteur plein format avec un recul d’1m50 environ permet d’obtenir un plan taille.

Si vous utilisez une caméra avec un capteur APS-C ou Super35, il faudra diviser la focale par 1.5 pour obtenir le même rapport (soit 32mm environ).

Si vous avez plus de recul, vous pouvez utiliser une focale plus longue (85mm, 100mm ou plus) et obtenir ainsi à même ouverture de diaphragme un arrière plan plus flou.

Ouverture

L’ouverture, ou diaphragme représente le rapport de quantité de lumière que l’on va laisser passer à travers l’optique pour atteindre le capteur de la caméra. Cela va influer sur la luminosité de l’image (à ISO et vitesse équivalente).

Sur une interview, on travaillera souvent entre f/2.8 et f/5.6, suivant le flou que l’on voudra en arrière plan. Sur cette interview, nous étions à f/4.

Hauteur du pied de caméra

Quand on utilise une focale moyenne (50mm), et afin de ne pas déformer les perspectives du décor (garder les murs droits), je vous conseille de faire en sorte que le centre optique de la caméra soit à hauteur de poitrine. De cette manière, la caméra ne sera ni en plongée, ni en contre-plongée.

Bien évidemment, les règles étant faites pour être transgressées, n’hésitez pas à faire différemment.

LOG ou pas LOG

Vaste question. Tout dépendra de votre degré d’expérience. Le LOG permet de gagner en dynamique d’image, mais si vous ne maitrisez pas la technique qui consiste à remplir son LOG correctement, je ne vous conseille pas forcément d’utiliser ce type de réglage d’image. Sachez qu’en plus, cela nécessite forcément de l’étalonnage en post-production afin de récupérer l’image originale.

Une interview, c’est de l’image, mais c’est aussi et surtout du son. Et rien de pire que faire une belle interview en terme d’image et s’apercevoir en post-production que le son est mal enregistré (trop faible, trop fort et saturé, …).

Quelque soit le moyen de faire la prise de son : micros HF ou perche, il est indispensable d’écouter avec un bon casque et ne surtout pas se fier uniquement aux niveaux indiqués par les Vu-mètres de la caméra ou de la mixette.

Pour cette interview, nous avons utilisé un micro cravate HF branché directement sur la caméra.

Faire une belle lumière, un beau cadre et tout gâcher avec une vilaine peau qui brille, quel dommage !

C’est pourquoi avoir toujours avec soi un petit peu de poudre matifiante incolore, un pinceau et/ou des feuilles de papier matifiant peut clairement vous sauver la vie.

L’étalonnage, est le petit plus (parfois indispensable) qui permet en post-production d’affiner l’image. C’est un peu comme la couche de vernis final.

De l’image brute sortie de la caméra (ici en Kine-LOG), on applique d’abord une correction d’espace colorimétrique qui permet de transformer l’image grisâtre en image colorée (REC709).

Après avoir transformé le LOG, on applique encore d’autres correctifs (que nous garderons Top Secret) afin d’obtenir le rendu final.